Contributeurs:
État de publication: Publiée (2012 )
Lieu: Montréal, Canada
URL: https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/9684
Résumé: Ces trois dernières décennies, les systèmes éducatifs du monde ont subi de grandes transformations axées sur la recherche de plus de pertinence et d’efficacité en relation avec l’évolution globale de la société (Mundy, 2005; Lessard, 2000; Farrell, 1997). Ces évolutions ont pris, entre autres formes, celle d’un mouvement de décentralisation de l’offre éducative (Mons, 2004) considérée par plusieurs chercheurs comme une forme de privatisation. Aujourd’hui, la manière dont la politique de décentralisation a été menée est remise en question par certains au motif que (1) la faible capacité financière d’un bon nombre d’États en cause les a amenés à accepter des politiques recommandées, pour ne pas dire imposées, par des instances supranationales et aussi devant le constat que (2) plusieurs années plus tard, les fruits promis du changement sont encore attendus (Daun, 2007). Dans le cadre de la présente thèse, nous nous sommes intéressé à l’expérience sénégalaise de décentralisation de l’éducation. À partir des années 1990, ce pays, confronté comme les autres pays d’Afrique au sud du Sahara à une profonde crise de son système éducatif, a initié une réforme décentralisatrice (Pelletier, 2001; ADEA, 2001). Nous avons, plus précisément, étudié la stratégie du faire faire qu’il a alors mise en place. Présentée comme une stratégie prometteuse, voire exemplaire, au cours de ses premières années de mise en œuvre (ADEA, 2004), le faire faire fait aujourd’hui face à des critiques acerbes (Charlier & Faye 2005; Clemons, 2007). Convaincu qu’une compréhension de la construction du sens de cette initiative aiderait à mieux la cerner, nous l’avons analysé à la lumière de perspectives critiques et de dé/re/construction du sens donné par les acteurs (Ball, 1994 et 2006; Weick, 1995 et 2001; Spillane, 1998 et 2000). Nous avons, pour les besoins de cette analyse, observé et interrogé près d’une centaine d’acteurs impliqués dans ladite stratégie. Le traitement de l’ensemble des données recueillies dans le cadre de la recherche a permis de préciser le sens que les principaux acteurs donnent à l’initiative, de constater l’absence d’un sens partagé, voire le conflit entre des sens divergents attribués à cette initiative. Ainsi, si le discours qui porte la stratégie tente d’inscrire le projet dans une dynamique de participation et d’implication des acteurs, une observation poussée montre une toute autre direction, celle d’une inscription dans une dynamique de marchandisation et d’une application aveugle de ses impératifs (Charlier, 2003). L’étude des structures et des règles de fonctionnement de la stratégie telles qu’elles sont présentées dans les documents officiels dévoile, du reste, une organisation et des orientations de type bureaucratique et centralisé. L’analyse du sens du faire faire nous a, de fait, ouvert à la confrontation des deux modèles, de « type démocratie de participation » et de « type démocratie marchande », décrite par Lessard (2006) dans son analyse des principales tendances d’évolution de la gouvernance de l’éducation. Les promoteurs du faire faire ont alors beau proclamer pour se dédouaner que le projet est bon, mais que l’implantation est mauvaise parce que les moyens ne suivent pas les intentions proclamées ou encore que les populations ne sont pas prêtes pour le changement : Il reste qu’ils se sont très peu préoccupés du sens qu’une telle initiative a pour les acteurs à la base, or c’est vraisemblablement une des raisons des problèmes rencontrés. En fait, inspirés par la rhétorique des bailleurs de fonds internationaux, ces promoteurs tiennent un discours fondé sur le premier modèle (participatif) tout en mettant en place le second (marchand). Au plan conceptuel, le choix d’un cadre d’analyse combinant les perspectives critiques et post-positives de sensemaking et d’analyse des représentations (frame analysis) a permis de sortir des sentiers battus de la résistance au changement et des analyses exclusivement macro. Ce cadre apporte un éclairage nouveau sur la mise en œuvre de la politique publique qu’est le faire faire; un éclairage très instructif pour les acteurs impliqués, en particulier les acteurs institutionnels. Avec ce cadre, la thèse montre que ce qui n’a pas fonctionné dans le cas de la stratégie c’est qu’il y a eu, entre autres, la confrontation d’au moins deux sens qui se côtoient sans se parler dans la stratégie et la prédominance d’un sens officiel de la décentralisation essentiellement et prioritairement orienté vers une diversification de l’offre éducative (visiblement assimilée à la demande la définissant) et faisant très peu de cas de la demande réelle. La thèse confirme également la place de plus en plus grande que prennent de nouveaux acteurs que sont les « opérateurs en éducation » et a contrario le peu de place laissée aux bénéficiaires directs que sont les apprenants et les populations. Elle réaffirme finalement la pertinence d’explorer les possibilités d’hybridation des sens émergeant du vécu des acteurs. Au demeurant, le cas sénégalais ici étudié est un prétexte pour aborder la mise en œuvre des politiques publiques en éducation, un domaine de connaissances en émergence. La démarche méthodologique et les résultats de cette recherche doctorale sont de ce fait transférables à d’autres contextes où la même problématique se pose.
Mots clé(s):
Dimension(s):
Théorie de l'activité:
Appartenance: